Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

 

               Nombreux sont les camerounais à avoir annoncé, depuis le début de notre siècle, que le régime de Biya Bi’Mvondo Paul Barthélémy est trépassé. Opposants, société civile et intellectuels : quantité de titulaires tutélaires ont prôné le rejet, le dépassement ou la déconstruction du Renouveau. Toutes ces chroniques nécrologiques n’ont pas le même éclat, le même sérieux ni les mêmes motivations, selon que l’on soit… mais toutes s’accordent néanmoins à écarter le régime qui fut considéré autrefois comme « l’avènement d’une société démocratique », avec une violence parfois comparable au prestige dont il bénéficiait au temps de son impunité. Certains esprits sont bien prompts, encore aujourd’hui, à accréditer la nocive nouvelle, comme si sa large diffusion lui conférait quelque évidence ou l’exclusivité de la vérité ; au mépris d’une véritable enquête de terrain, et donc d’une sérieuse collecte de données, au mépris de tous les efforts et surtout de toutes les statistiques sans lesquelles on ne pourrait vraiment parler du Cameroun de manière objective. Ainsi, la quête du neuf et de la transcendance, la transparence et l’alternance, la bonne gouvernance et l’acceptation des débats et du refus de l’unanimisme, considérés _ à juste titre _ par Maurice Kamto comme les moteurs même de la démocratie et de l’état de droit[1] occupent ici une place de choix. Certains écrivent de la sorte que :

« Le Renouveau est mort ! Tel est le mot d’ordre qui vaut pour la plupart de nos populations, n’ayant ni eau, ni électricité ; qu’elles soient d’ici ou d’ailleurs, elles doivent toutes traiter le système en place comme un chien mort.»[2]

Ainsi, la « manière de penser du camerounais » se réclamerait à grands cris «anti-biyaiste » et finalement « post-biyaiste ». Est-ce à dire, qu’au seuil de l’émergence du Cameroun, le Renouveau est désormais réductible à un simple concept historique d’un corpus à jamais clos et inactuel ? Chaque camerounais doit-il réfréner dans le secret de son esprit piteux cet « esprit biyaiste » dont François Mattei glorifiait l’universalité ? Toutes ces interrogations faussement candides, nous interpellent à rouvrir, pour la énième fois, le dossier de l’acte de décès du « Renouveau ».

Est-il possible – aisé – de rappeler toutes les critiques que le régime en place a suscitées depuis l’avènement du pluralisme et du multipartisme au Cameroun[3] ? Aujourd’hui encore les critiques continuent[4]. C’est peut-être alors une « tâche ingrate », que de chercher à répondre à toutes ces critiques dont les intelligences sont pour la plupart vaniteuses. Mais une tache nécessaire[5] pour tenter de justifier la place et le rôle du Biyaisme et démêler les méandres de ses enjeux contemporains. Ce qui est loin d’être un jeu !

On peut considérer que le coup d’envoi de l’offensive antibiyaiste de notre temps – si l’on exclut les extrémismes déjà anciens dans la mouvance du pluralisme, du multipartisme et du libéralisme – a été donné par l’espoir évanoui des ajustements structurels dont l’objectif principal était la relance de l’économie camerounaise après la grande crise - que les camerounais négligent trop souvent - qui a frappé le pays entre 1986 et 1994 suivie de la dévaluation du Francs Cfa[6].

Ce que les « marxistes »[7] doivent savoir, c’est que le régime actuel de Yaoundé s’est le plus investi - depuis le coup d’État manqué à Yaoundé - , à la construction et à la consolidation de l’État, à l’instauration de la paix et de la stabilité[8] et à l’avènement d’une société, sinon démocratique, du moins équilibrée. Et dans laquelle tous les membres ou presque sauront « lier le bois au bois » ; toutes ces choses qui permettront de sortir de l’École de la dépendance[9]. Mais les consciences des uns, encore enveloppées dans « la nuit noire »[10], et les intelligences vaniteuses des autres, sont telles qu’il leur est difficile, voire impossible de l’accorder, même pas avec faute. Car depuis l’élaboration du DSRP[11] en 2003 et de sa présentation en Aout de la même année, l’accès des populations à la route, à l’eau et à l’électricité demeure encore bien en deçà des attentes des populations et des exigences de la croissance économique. Même le DSCE n’a pu rien amélioré. D’autres aujourd’hui même se demandent où est passé le plan d’urgence. Le dernier-né ? Non ! Le mort-né comme ils l’appellent. Pourtant, si l’on était un peu illuminé, on admettrait unanimement - et avec raison - que le sous-développement n’est pas une caractéristique propre au pays que gouverne majestueusement M. Biya, cet hégélien dont les liens avec les siens restent des plus anciens; mais qu’il s’agit plutôt d’un processus historique[12] inscrit dans les rapports de force internationaux[13]. C’est pour cela même qu’il fallait d’abord avoir un État indivisible, stable et fort[14]. Un État qui ne succomberait pas admirablement - à la manière du Christ - aux tentations de la diablesse communauté internationale, véritable rouleau compresseur aux philosophies dites caritatives et humanitaires. Elle n’en finit pas de parler de l'homme tout en le massacrant partout où elle le rencontre, à tous les coins de ses propres rues, à tous les coins du monde. Voici des siècles... qu'au nom d'une prétendue "aventure spirituelle"[15], elle étouffe la quasi-totalité de l'humanité.

Il n’est pas question donc d’admettre l’inadmissible ou d’accepter l’inacceptable mais simplement de ne pas nier les évidences. Et parlant d’évidences, il y en a tellement. Mais disons-nous simplement que Paul Biya, par sa sagesse et la finesse que lui donne son bel âge, objet de nombreuses convoitises, a mis le Cameroun sur la voie du développement. Le pays a changé de physionomie et est aujourd’hui un modèle politico-économique dans la sous-région. Le bout du tunnel n’est plus qu’une question de temps. D’ailleurs, si le développement du Cameroun n’a pas emprunté le train à grande vitesse comme le veulent certains, est-ce à dire qu’il ne suit pas son cours ?

 

 

Fabrice ZANGA

Université de Yaoundé I

 

Yaoundé, Décembre 2013

 

[1] Urgence de la pensée, Réflexions sur une précondition du développement en Afrique, Ed. Mandara, 209 Pages.

[2] Ces mots qu’on a entendus pendant la campagne présidentielle de 2011, sont d’un parti politique de l’opposition.

[3] Cf. discours du Président français Jacques CHIRAC au sommet Françafrique à la Baule en 1990.

[4] L’une des critiques les plus récentes, c’est celle de Hamman MANA dans l’Éditorial du Quotidien le Jour, du 30 Décembre 2013.

[5] Sur le plan philosophique, est nécessaire ce qui ne peut ne pas être

[6]On peut lire avec beaucoup d’intérêts l’ouvrage l’économie camerounaise de Touna Mama, publié

[7] En politique, il s’agit en général de la gauche

[8] La théorie de la Paix démocratique pose comme postulat que les régimes démocratiques ne se livrent pas à la guerre entre eux, ils préfèrent toujours la négociation et le règlement pacifique des différends. L’« Affaire Bakassi » en est une véritable illustration

[9] Sortir de l’École de la dépendance n’est point vivre en autarcie comme pourraient le penser certains.

[10] Cette expression est des afro pessimistes et de certains penseurs racistes notamment Hegel.

[11] Document de Stratégie de la Réduction de la Pauvreté, élaboré en Avril 2003, rendu public en Aout 2003, sous la Direction de Peter Mafany Musongè, Premier ministre, Chef du Gouvernement.

[12] Au sens hégélien du terme.

[13] Il faut tenir compte ici du Droit d’Ingérence Humanitaire (DIH) lancé par une certaine Communauté internationale.

[14] Dire qu’un État est fort, cela ne signifie pas qu’il s’agit d’une dictature encore moins d’une démocrature. La conception hégélienne de l’État peut donc être assez intéressante ici.

[15] Préface de J.P. SARTRE à l’édition de 1961 des damnés de la terre, ouvrage de Frantz FANON

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :